Depuis le départ de l’Amundsen le 3 juin 2016, les jours sont longs, et fatiguants. Sur ce bateau comme sur tous les navires de recherche, on travaille toute la semaine, et il n’est pas rare de devoir se lever en pleine nuit pour une quelconque opération. On ne dort ici jamais sur ses deux oreilles, car je garde toujours la résponsabilité des résultats, de l’instrument. Autant dire qu’il reste compliqué de trouver le temps, et la force de tenir le journal de bord.
Les trois premières semaines, furent longues, responsable d’un instrument de mesure, dont l’ingéniosité dépasse mes compétences, je ne pouvais rien faire avec cet appareil qui avait décidé de me mettre à l’épreuve. Les premières pannes furent relevées, mais laissant apparaître au fur et à mesure du temps un réel problème qui avait peut-être décidé d’attendre d’être seul avec moi pour s’affirmer. Un problème, d’extraction, un problème qui mettait en cause les standards, ces molécules qui donnent un support pour déterminer les concentrations de DMS dans l’échantillon. L’appareil fonctionnait convenablement, mais ne donnait aucun résultat qui puisse être pris en compte. Par dessus ce problème de fond, vint se greffer rapidement des pannes que je resolvais en une journée, mais qui laissait le jour suivant apparaître une nouvelle panne. Je me retrouvais petit à petit démuni face à une machine qui avait décidé de m’embêter. Parce que sur un bateau tout prend place en l’esprit de celui qui opère, je perdais patience, motivation et confiance en moi. Pour être clair, je me prenait pour un inccapable. Puis j’ai vite compris l’importance de se détacher de cela et laisser la machine à sa place, à son rang d’objet sans esprit. Le morale repris son cours, mais la machine, non ! L’entêté décidait de me livrer désormais à des problèmes informatiques. Le plan B fut déclenché.
Il a fallu donc enfin que je fasse appel aux connaissances que j’ai acquises durant mes deux ans d’études cherbourgeoise, pour mettre au point un plan d’échantillonnage pour les trois semaines à venir. Désormais j’échantillonne deux à cinq profondeurs sur les rosettes journalières. Une rosette est un instrument qui permet d’échantillonner de l’eau de mer à divers profondeur sur une même verticale. J’ai vu ma motivation enfin revenir, pour préparer cette séquence qui marque vraiment la fin d’Intechmer.
J’opère désormais sur une méthode manuelle, mais quelle liberté, plus le stress de la panne, plus le stress du résultat, et surtout plus le stress du prix. Il faut dire que le GC-MS coûte très cher et pour rien au monde je ne voudrais l’endommager, or en tant que débutant, je fais toujours des erreurs. La méthode manuelle est moins exigente, et je peux prendre le temps d’apprendre et de profiter de l’expédition. J’ai déjà appris que le machines censées libérer peuvent parfois être bien embarrassantes, et qu’il est parfois préférable de garder les méthodes dont l’efficacité est prouvé depuis longtemps.
A part tout cela, le voyage est magnifique, j’ai eu le plaisir de voir la terre Jeudi dernier. Quelle joie, même en éprouvant un véritable amour pour la mer, la terre reste importante, que ce soit pour moi ou même pour les marins, qui pourtant naviguent 6 mois sur douze. Nous ne sommes pas les bienvenus dans cet espace, on sent ici la force de la nature. Il arrive régulièrement que l’Amundsen se bloque sur la banquise en voulant la casser. La glace de 80 cm d’épaisseur est plus forte que ce mastodonte de plusieurs milliers de tonnes…