L’excédent de CO2 atmosphérique inquiète la communauté scientifique et alimente actuellement de nombreux projets de recherche au sein desquels l’océan joue un rôle central. Les innovations basées sur le stockage de CO2 au cœur des couches rocheuses situées sous la mer se multiplient, notamment au large de la Norvège ou du Danemark. Piégé à la source sur les sites industriels, le CO2 est compressé, transporté en mer et injecté dans les roches sous-marines que constituent entre autres les gisements abandonnés. Dans le cadre du projet Norvégien, l’utilisation d’un drone sous-marin vient faciliter le transport du CO2 jusqu’au point d’injection du gaz dans les couches géologiques. Ces dernières étant étanches, le processus semblerait correspondre aux attentes concernant la réduction de la quantité de CO2 atmosphérique, mais le recul manquerait encore en ce qui concerne la connaissance des mécanismes impliqués. En effet, l’impact du gaz acide qu’est le CO2 sur les caractéristiques des roches constitue encore un enjeu scientifique important, sans compter l’impact des installations, considérées assez lourdes, sur les habitats marins. Egalement gourmand en énergie, le captage pose également une problématique économique non négligeable.
Le stockage ne demeurant pas l’unique solution, le CO2 tant décrié pourrait également être valorisé sous une forme moins toxique. L’initiative open source Project Vesta, lancée dans les Caraïbes, vise à tirer parti des propriétés de l’olivine (minéral formé pendant les éruptions volcaniques) pour capter le CO2. Dispersé sur les plages, il permet de convertir le CO2 atmosphérique en HCO3– lorsqu’il entre en contact avec les vagues. Or, le HCO3– est une forme bien plus intéressante que le CO2 puisque, non plus sous forme de gaz mais sous forme dissoute dans l’eau de mer, elle ne participerait pas à l’effet de serre. Elle entre en outre dans la composition des coraux et des coquillages et favoriserait ces formes de biodiversité. Néanmoins, si le passage du CO2 en HCO3– présente un intérêt, cette dernière molécule peut également ne pas rester sous cette forme et repasser dans l’atmosphère sous forme de CO2. Ce phénomène est facilité par un pH relativement bas, et l‘acidification des océans pourrait l’accélérer.
Ainsi, chaque initiative si prometteuse soit-elle devrait apporter son lot de vigilance quant aux nouveaux déséquilibres qu’elle pourrait occasionner à son tour, sans compter que la priorité reste de limiter au maximum les émissions de CO2. Ces projets pourraient par ailleurs ne pas voir les bienfaits escomptés sur les océans avant quelques centaines d’années. En effet, même si la concentration atmosphérique en CO2 diminuait jusqu’à atteindre les valeurs de l’ère préindustrielle, le phénomène d’acidification des océans ne s’inversera pas instantanément : les eaux profondes acidifiées ne sont pas en contact avec l’atmosphère et peuvent rester à un pH bas très longtemps. Ainsi, si les aboutissements de ces changements à long terme concerneront surtout les générations futures, leurs prémices et leur initiative appartiennent bel et bien au présent.
Solène Jahan
Sources :
https://www.petit-canal.net/maersk-drilling-rejoint-un-projet-de-stockage-offshore-de-co2
https://www.brgm.fr/activites/stockage-geologique-co2/stockage-geologique-co2-qu-est-ce-que-c-est
http://www.ipgp.fr/~piag/biogeo/s%C3%A9questration%20du%20CO2.pdf
